Adolescence

Une culture « valorisée »

En quoi un univers rebelle peut-il être attirant pour une adolescente ? Voici le point de vue de deux femmes qui ont vécu l’extrême : celui de Mélanie Carpentier, ex-esclave sexuelle pour des gangs de rue, et de Sophia*, mère d’une jeune fille entraînée dans la criminalité et la consommation.

À 12 ans, Mélanie Carpentier a été victime d’un accident grave. Traumatisme crânien, mâchoire fracturée, réadaptation… Victime d’intimidation à l’école, elle cherchait un port d’attache. Elle en a trouvé un auprès d’un groupe de jeunes eux aussi exclus, parce qu’issus de minorités ethniques. Un groupe qui s’est avéré affilié aux gangs de rue.

Ç’a été, pour Mélanie, la porte d’entrée d’un monde dont elle s’est sortie à l’âge de 26 ans seulement, après huit ans à danser et à se prostituer pour le compte de criminels.

Mélanie Carpentier se souvient qu’à l’aube de l’adolescence, elle accordait une valeur à la criminalité qui prévalait dans ce genre de milieu. Son père, qui travaillait dans un centre jeunesse, parlait souvent de ces comportements.

UNE CAUTION DANS LA MUSIQUE

La culture hip-hop dans laquelle elle baignait, adolescente, venait en quelque sorte cautionner le rôle qui lui a été attribué.

« Le hip-hop ne conduit pas une fille à la prostitution, pas plus qu’il conduit un gars aux gangs de rue, mais c’est quelque chose qui est valorisé dans les vidéos hip-hop, souligne Mélanie Carpentier. Si la jeune femme mange une claque par un gars de gang, elle se dit : “C’est normal, c’est comme la fille dans la vidéo.” »

Encore aujourd’hui, ce rôle demeure malheureusement valorisé dans la culture populaire, constate Mélanie Carpentier, bachelière de l’Université de Montréal en voie de devenir criminologue. On n’a qu’à penser aux contes de fées, où la femme dépend toujours de l’homme. Ou même au film Twilight.

« Pour moi, c’est un film typique de gang de rue ! dit-elle. Il y a les Bloods d’un bord, il y a les Crips d’un bord, le loup-garou et le vampire, et au milieu, il y a la petite fille innocente en amour avec deux gars de gang différents, qui rase de se faire tuer à chaque film et qui reste là. »

* Mélanie Carpentier a fondé l’organisme La Maison de Mélanie pour venir en aide aux victimes de la traite humaine à des fins d’exploitation sexuelle.

Adolescence

L’attrait de « l’autre côté »

En quoi un univers rebelle peut-il être attirant pour une adolescente ? Voici le point de vue de deux femmes qui ont vécu l’extrême : celui de Mélanie Carpentier, ex-esclave sexuelle pour des gangs de rue, et de Sophia*,

mère d’une jeune fille entraînée dans la criminalité et la consommation.

Adolescence

« Ils promettent la belle vie »

En quoi un univers rebelle peut-il être attirant pour une adolescente ? Voici le point de vue de deux femmes qui ont vécu l’extrême : celui de Mélanie Carpentier, ex-esclave sexuelle pour des gangs de rue, et de Sophia*, mère d’une jeune fille entraînée dans la criminalité et la consommation.

La fille de Sophia était une adolescente difficile, qui n’aimait pas l’autorité, qui voulait faire ses propres choix. Avec elle, ses parents « marchaient sur des œufs ». N’empêche, jamais Sophia ne se serait doutée de la tangente que sa fille prendrait à l’aube de l’âge adulte.

Vers 15 ou 16 ans, l’adolescente s’est mise à fréquenter un garçon (une connaissance de connaissance), qui lui a montré comment faire de « l’argent facile » grâce à la sollicitation (party ou autre).

« Tout s’est mis en place graduellement », raconte Sophia, professionnelle du monde de la santé. Sa fille s’est mise à fréquenter un membre de gang de rue, à vendre de la drogue. À en consommer.

Selon Sophia, sa fille souffrait de l’absence de son père. Peut-être cherchait-elle, quelque part, l’attention des hommes.

« Ce sont des gens très attentifs, qui promettent plein de belles choses, dit Sophia à propos des membres de gangs de rue. On ne sait pas tout, mais on sait qu’il y a eu beaucoup de partys très dispendieux, où elle n’avait rien à payer. Ils leur promettent la belle vie. Elles deviennent comme des princesses. »

UN PEU DE LUMIÈRE

Une série d’événements a conduit sa fille, au début de l’âge adulte, à suivre une thérapie pour ses problèmes de consommation. C’est au terme de cette thérapie que Sophia a appris l’ampleur de ce que sa fille avait vécu (elle avait toujours nié auparavant). « Elle a subi plusieurs viols collectifs. »

Aujourd’hui, sa fille se porte bien et se tient loin de son ancien milieu. À la connaissance de Sophia, elle ne consomme plus.

Que peut-on faire pour aider son enfant quand on le sent glisser ?

« Rester présent et disponible pour lui, répond Sophia, qui fréquente le groupe d’entraide Al-Anon. Parler au « je », exprimer ses inquiétudes, sans les écraser davantage. Parce qu’une fois qu’ils ont franchi la porte de la maison, ils ont beau dire qu’ils vont voir un ami, on n’a aucun contrôle. »

* Sophia est un nom fictif.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.